Relancé il y a peu, suite aux prises de position clairement exprimées par Aubin Minaku, président de l’Assemblée Nationale, dans sa casquette de Secrétaire général de la Majorité Présidentielle, et Richard Muyez, ministre de l’Intérieur et haut cadre de la même famille politique, le débat entre « anti » et « pro » révision constitutionnelle semblait parti sur des bases égalitaires. La semaine dernière, les Congolais de tous les horizons ont suivi, avec un maximum d’attention, les mots d’ordre à la mobilisation générale lancés par les uns et les autres tantôt en faveur de l’amendement de ce texte fondamental, tantôt de son intangibilité.
Et le samedi 02 août, le feu vert donné par le gouverneur de la ville de Kinshasa aux organisateurs du meeting de l’Opposition contre la révision constitutionnelle, concrétisé par la tenue effective de ce rassemblement populaire le lundi 04 août à la Place Sainte Thérèse, dans la commune de N’Djili, sans interférence policière, a fait penser au grand retour du débat d’idées entre adversaires politiques congolais, plombé par les contentieux électoraux de novembre 2011.
Alors que l’on s’apprêtait à se réjouir de la réouverture de l’espace politique national au pluralisme d’opinions, en prévision du référendum constitutionnel en gestation, la machine de la démocratie a brutalement coincé au matin du mardi 05 août 2014. L’arrestation du Secrétaire général de l’UNC (Union pour la Nation Congolaise), Jean-Bertrand Ewanga, en marge du meeting de la Place Sainte Thérèse, repose la brûlante question de la pratique de la démocratie en République Démocratique du Congo.
Qu’attend-on de l’Opposition ?
Le législateur congolais reconnaît, sans ambages, l’existence officielle d’une structure appelée à fonctionner en guise de contre-poids à la majorité au pouvoir. Une loi spécifique détermine même le statut de l’Opposition. Mais au vu de ce qui est arrivé au numéro 2 du parti de Vital Kamerhe, l’on se demande ce que les hommes au pouvoir en RDC attendent de l’Opposition. Veut-on d’hommes et femmes jouissant de la liberté d’exprimer librement et franchement ce qu’ils pensent des questions d’intérêt national ou de simples « applaudisseurs » d’actes et initiatives des animateurs des institutions de la République ?
Lorsque l’on jette un regard circulaire sur ce qui se passe dans des pays de vieille démocratie tels que les Etats-Unis d’Amérique, la France, la Belgique, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Allemagne… pour ne citer que cet échantillon, l’on constate que l’Opposition ne fait aucun cadeau à la majorité au pouvoir. Tout ce qui est dit et fait par la majorité au pouvoir, en bien ou en mal, est systématiquement critiqué par l’Opposition, qui n’y voit qu’un enchaînement d’échecs. La « guerre » des idées est rude au Parlement, dans les médias comme dans la rue, chaque camp prenant l’opinion publique à témoin pour s’attirer sa sympathie.
Combien de fois n’a-t-on pas vu des propositions ou des projets de lois être retirés de la circulation par la majorité au pouvoir suite à la levée de boucliers de l’opinion publique, chauffée à blanc par l’Opposition ? Le droit à la diversité de vues est sacré.
Le rôle de l’Opposition ne consiste pas à jeter des fleurs aux gestionnaires des affaires publiques mais plutôt à les descendre chaque jour en flammes, de manière à justifier l’impératif d’une alternance politique à la première échéance électorale. De leur côté, les animateurs des institutions de la République répondent aux critiques de l’Opposition sur deux fronts : celui des idées d’abord et des résultats ensuite.
Et quand survient la campagne électorale, la Majorité et l’Opposition cherchent la faille dans tout ce qui peut nuire à la crédibilité de l’une ou de l’autre dans la vie publique comme privée.
On se souvient qu’aux USA, l’ancienne Secrétaire d’Etat Hillary Clinton et l’ancienne représentante du pays aux Nations Unies, Susan Rice, avaient dû payer cher leur responsabilité dans l’assassinat de l’ambassadeur de leur pays à Benghazi (Libye), un acte interprété comme un déficit du système sécuritaire américain. Il y a aussi le cas de Barack Obama, dont «l’américanité» avait été contestée par ses adversaires politiques. Pour prouver ses origines américaines, il avait dû brandir son certificat de naissance.
En France, le président François Hollande fait l’objet de critiques acerbes de la part de l’Opposition pratiquement au quotidien. Les interventions militaires françaises en Afrique (Mali et Centrafrique), les réformes économiques et sociales sont toutes très mal vues.
Débat contradictoire interdit ?
Après le meeting de la Place Sainte Thérèse et ses retombées sur Jean-Bertrand Ewanga, il se pose également le problème du débat contradictoire. La RDC veut-elle se doter d’une société ouverte, où serait garantie la diversité des opinions, où les actes des gouvernants seraient soumis au feu des critiques, ou d’une société fermée, où ne serait toléré qu’un seul son de cloche ? Si les gens prennent peur et n’osent plus s’exprimer publiquement, comment pourrait-on construire une société démocratique ?
Si le bilan des hommes au pouvoir devrait passer dans l’opinion comme une lettre à la poste, le plus simple serait de mettre une croix sur toute consultation populaire par la voix des urnes. Le retour à « l’endossement » des candidatures par un parti unique et aux élections par « acclamations», serait plus conforme à un type de démocratie propre aux Congolais. L’affaire Jean-Bertrand Ewanga exige d’être sérieusement décortiquée afin de fixer les acteurs politiques de l’Opposition et d’autres compatriotes qui ne partagent pas les vues de la Majorité Présidentielle sur la conduite à tenir face aux enjeux politiques, sécuritaires, économiques et sociaux de 2014 à 2016.
Le Phare du 6 août 2014/ Kimp
--
-----------------------------------------
Union pour la Nation Congolaise
Cellule de Communication
+243 81 7 007 487 & +243 81 8 136 136
www.vital-kamerhe.com et www.unc-rdc.org