Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 décembre 2013 2 17 /12 /décembre /2013 10:10

 

 
 
Michel Moto Muhima

 

1. Rappel des faits. Le 04 avril 2012, les militaires issus du CNDP, ancienne rébellion menée d’abord par Laurent Nkunda et ensuite par Bosco Ntaganda (aujourd’hui prisonnier à la CPI), se mutinent contre le gouvernement de Kinshasa. Après 18 mois de conflit intense, la guerre menée par le M23, en réaction à la non application de certaines clauses de l’accord du 23 mars 2009 avec le CNDP (d’où son appellation M23), a prit fin avec « la défaite totale » du M23 qui perd ses derniers territoires dans la nuit du 04 au 05 novembre 2013. Le 07 novembre, le gouvernement Ougandais annonce la présence des responsables et des combattants duM23 sur son territoire. 

Nous avons expressément mis les guillemets pour signifier le caractère ambigu de cette victoire des forces armées congolaises. En effet, lorsqu’une armée remporte une victoire totale, la partie vaincue procède à sa reddition et le vainqueur impose ses « conditions de paix ». A ce stade, il n’est plus question de négocier ni de palabrer. S’il est vrai que l’art de guerre recommande de ne point humilier le vaincu, il n’est toutefois pas recommandé de se plier aux principales revendications de ce dernier. Il s’agit plutôt de lui offrir une sortie honorable tout en restant ferme sur les principes de justice et de réparation. 

A la suite de la débâcle des forces du M23 suite à l’offensive combinée des fardc et de la brigade d’intervention de l’Onu, y compris les pressions diplomatiques exercées sur Kigali et Kampala en vue de cesser leurs soutiens aux rebelles, le M23 a battu en retraite, consacrant ainsi la victoire militaire des Fardc. 

Prenant acte cette déconfiture militaire, la direction politique a annoncé la fin des hostilités et la mise à la disposition du gouvernement congolais de ses forces combattantes. C’est la fin des opérations militaires. Mais à Kampala, où se tiennent les négociations depuis au moins un an, la signature d’un document signifiant la fin effective de la guerre se fait attendre. L’on tergiverse sur le terme approprié : Accord de paix ou déclaration unilatérale.

Le pouvoir de Kinshasa a publié, par la voie de sa délégation à Kampala, une liste d’une centaine de personnes responsables militaires et civiles du M23 exclus de toute amnistie pour faits des crimes de guerre et crimes contre l’humanité. On y retrouve quasiment tous les responsables de la rébellion. De même, le gouvernement a répété, à maintes reprises, son refus de voir cantonner dans les provinces du Kivu les forces du M23 une fois réintégrées au sein de l’armée nationale. Ces hommes qui auront choisi librement de servir sous le drapeau national devront accepter d’être stationnés partout sur le territoire national. Ce que la rébellion a toujours rejeté prétextant devoir rester dans le Kivu pour protéger les congolais de sa communauté( ?) ! 

2. Déclaration de Nairobi du 12 décembre 2013: Les omissions de Kinshasa. Notre but n’étant pas de reproduire ici la dites déclaration, nous avons plutôt préféré mettre en avant les points qui n’y figurent pas. Ces éléments étaient cependant martelés par le gouvernement et ses représentants à Kampala depuis le début des négociations en décembre 2012:
- le cantonnement ou l’affectation des M23 réintégrés hors du Kivu
- la liste des responsables du M23 exclus de toute amnistie
- la victoire totale des fardc
- la reddition du M23
- le sort des membres du M23 au Rwanda et en Ouganda
- le non respect de l’accord cadre d’Adis – Abeba par le Rwanda et l’Ouganda

3. Crimes de guerre et crimes contre l’humanité. L’article 7 du Statut de Rome établit une liste non-exhaustive d’actes pouvant être qualifiés de crimes contre l’humanité, lorsqu’ils sont commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique, lancée contre toute population civile, et en connaissance de cette attaque. 

Parmi ces actes, nous citons : Le meurtre, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou transfert forcé de population, l’emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international, la torture et surtout LE VIOL et l’esclavage sexuel, la ppersécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour…disparition forcée !

4. Responsabilité de Commandement. Il s’agit de la responsabilité pénale d’un chef militaire ou d’un supérieur hiérarchique civil faisant fonction de chef militaire pour des crimes commis par des membres des forces armées ou d’autres personnes placées sous son contrôle. Un supérieur peut être considéré comme pénalement responsable même s’il n’a pas donné l’ordre de commettre les crimes. Il suffit que le chef n’ait pas empêché ou réprimé l’exécution des crimes par ses subordonnés.

Afin de ne plus perpétuer l’impunité et ainsi encourager des futures rebellions, le gouvernement congolais avait rendu public la liste d’une centaine des cadres militaires et politiques du M23, qui ne pourraient bénéficier d’amnistie. Ils sont considérés comme responsables des crimes de guerre commis par leM23. 

Aussi, lorsque le gouvernement parle d’amnistier les faits de guerre et d’insurrection et qu’en même temps, l’on apprend l’arrivée imminente de certains cadres du M23 à Kinshasa, probablement pour intégrer les institutions, nous sommes en droit de rappeler à Kinshasa son engagement devant la nation.

En effet, la crainte de l’opinion nationale est de voir débarquer des criminels qui seront mués, par la seule volonté du pouvoir congolais, en simples rebelles donc amnistiables ! Voilà pourquoi nous avons voulu rappeler cette notion de responsabilité de commandement. Notion à laquelle n’échappent certainement pas la plupart des cadres de cette rébellion.

5. Le M23 et les crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Plusieurs rapports nationaux et internationaux attestent des crimes de guerre commis par le M23 au cours du conflit qui l’a opposé à l’armée nationale congolaise dans le nord Kivu.
« Les rebelles du M23 qui sévissent dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) sont responsables de crimes de guerre commis à grande échelle, y compris des exécutions sommaires, des viols et des recrutements de force », a déclaré Human Rights Watch dans son rapport. 
« Les rebelles du M23 sont en train de commettre une horrible série de nouvelles atrocités dans l’est de la RD Congo », a déclaré Anneke Van Woudenberg, chercheuse senior à la division Afrique de Human Rights Watch. « Les commandants du M23 devraient être contraints de rendre des comptes pour ces crimes, et les autorités rwandaises qui soutiennent les commandants responsables d’exactions pourraient être traduites en justice pour complicité de ces crimes.». Ci-joint le lien du rapport : http://www.hrw.org/fr/news/2012/09/10/rd-congo-les-rebelles-du-m23-commettent-des-crimes-de-guerre

De même, la mission de l’ONU a confirmé ces accusations: « La MONUSCO partage de manière générale le même constat (que HRW). C’est vrai que les chiffres qu’avance Human Rights Watch ne sont pas exactement les mêmes que ceux que nous avons, à quelques différences près. Cependant, nos constats sont exactement les mêmes », déclare Touré Panangnini, un porte-parole de la MONUSCO. Le M23 aurait violé le protocole II de la Convention de Genève, interdisant les exécutions sommaires, viols, recrutements forcés, ce qui constitue un crime de guerre. En effet, selon HRW, les combattants du M23 auraient tué depuis juin 15 civils et violé 46 femmes et fillettes ». D’autres rapports, notamment de la très active société civile du Nord Kivu viennent confirmer l’existence des criminels de guerre dans les rangs de la rébellion.

6. Conclusion. Selon la Convention sur l’imprescribilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité de 1968, ces derniers, qu’ils soient commis en temps de guerre ou en temps de paix, et tels qu’ils sont définis dans le Statut du tribunal militaire international de Nuremberg, sont imprescriptibles (article 1(b)). Cette disposition n’est toutefois contraignante que pour les Etats ayant ratifié la Convention.

De même, le Statut de Rome prévoit que les crimes pour lesquels la Cour a compétence sont imprescriptibles, ce qui inclut les crimes contre l’humanité (article 29). Avec l’émergence du principe de compétence universelle, les Etats peuvent aujourd’hui poursuivre les crimes de guerres devant les juridictions nationales, et ce indépendamment de tout lien avec la nationalité de l’auteur ou de la victime, et de tout lien avec le territoire où les crimes ont été commis. 

Aussi, nous en appelons à la responsabilité de l’élite nationale afin qu’elle se réapproprie le combat pour la vérité et la justice au Congo pour les populations martyrisées.

Il est temps que l’intellectuel congolais, disséminé à travers le monde, passe de la théorie à la pratique en prenant des initiatives pouvant permettre le renvoi devant la justice nationale et surtout internationale de tous ces criminels, tant du côté gouvernemental que du côté rebelle, afin que l’impunité fasse place à la justice. Pour ce faire, la société civile congolaise a pu répertorier les crimes commis par toutes les parties impliquées.

L’impunité doit prendre fin en RDC. Il revient à l’ensemble de la société Congolaise, politique et apolitique, de se battre pour y mettre un terme définitif. Les responsables des viols massifs, des tueries, de disparitions forcées, des pillages et des meurtres doivent répondre de ces méfaits devant les juridictions nationales et internationales. C’est à ce prix, et seulement à ce prix là, que la RDC pourra arriver à tourner la page de la violence aveugle et de l’instrumentalisation de nos compatriotes. 

Michel Moto Muhima
Analyste Politique
Cadre de l’UNC /Belgique
--------------------------------------------------------------------
Sources : 
Article 7 du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, 17 juillet 1998
Convention sur l’imprescribilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, 26 novembre 1968
Geoffrey Robertson, « Crimes Against Humanity: The Struggle for Global Justice »
Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977
« Crimes de guerre: ce que nous devons savoir » sous la direction de Roy Gutman/David Rieff
http://www.hrw.org/fr/news/2012/09/10/rd-congo-les-rebelles-du-m23-commettent-des-crimes-de-guerre
http://www.operationspaix.net/30148-details-actualite-rdc-la-monusco-accuse-le-m23-de-crimes-de-guerre.html
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/12/12/la-rdc-et-le-m23-ont-signe-un-accord-de-paix-annonce-le-kenya_4333653_3212.html


© Congoindépendant 2003-2013

Partager cet article
Repost0

commentaires