Vital Kamerhe s’est présenté sous un jour particulier à Mike Mukebayi, dans un face à face pour une interview. Rien à voir avec le politique habituel, c’est plutôt le père de famille qui reçoit le patron de «CONGONEWS» alors qu’il s’agit de parler Congo. Une digression ici et une autre là-bas sur l’anecdote autour du prénom de son fils Constantin, aux études en France.
Alors qu’elle était enceinte, Mamick, la charmante épouse Kamerhe, s’est remise à son beau-père pour baptiser le petit encore foetus. A l’insu du mari, en voyage à l’étranger. C’est quand l’enfant vient et que Vital pose la question pour s’entendre dire que c’est le vieux Constantin qui s’est fait un homonyme avec le serment que ce gosse sera sage et le plus tempéré de la famille. En fait de digression, c’est une transition comme les esprits brillants savent seuls en confectionner. Celle-ci sert de passerelle à Kamerhe pour parler de la sagesse à laquelle il appelle Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi. Sagesse pour demander à chacun d’accepter de perdre quelque chose au profit de la cohésion nationale. Cette interpellation, il l’a fait après s’être inspiré de l’histoire de la RD-Congo. A chaque, l’antagonisme entre adversaires politiques s’est cristallisé au point de reléguer l’intérêt général au second plan. Kamerhe évoque la rivalité Lumumba-Kasa-Vubu, la mise à l’écart de Moïse Tchombe qui a préparé le lit à Mobutu, le duel Mobutu-Tshisekedi, l’inimitié entre Laurent-Désiré et Tshisekedi, soldé par la relégation de l’opposant, l’antipathie entre Joseph Kabila et Tshisekedi. Lui-même allonge la liste avec la diabolisation dont il a fait l’objet de la part de ses anciens amis de la majorité. «Trouvons donc un consensus à l’image d’autres pays comme le Sénégal, le Ghana et autres», exhorte Vital Kamerhe dans une interview exclusive à «CONGONEWS».
Comment jugez-vous l’Accord d’Addis-Abeba? Positif pour la RD-Congo?
En matière des relations internationales, il n’existe pas d’accord parfait. Ce quoi à quoi il faudra plus faire attention, ce sont les principes du droit international. Et moi, j’ai été vigilant là-dessus avec un seul souci à l’esprit, l’inquiétude du peuple congolais, de la classe politique et de l’élite à propos de la Balkanisation du pays. J’ai pris le temps d’étudier cet Accord dans une démarche à la fois intellectuelle et pédagogique. Cet accord, sans être parfait comporte des principes que nous pouvons nous a appropriés, que la classe politique, tant l’opposition que la majorité, la société civile et l’ensemble de couches sociales du pays de s’approprier du document. Je ne suis pas de ceux qui pensent que c’est la communauté internationale qui doit nous apprendre comment reformer l’armée, comment gouverner un pays, comment respecter la séparation des pouvoirs entre les institutions. Nous ne devons pas passer notre temps à voir le diable et l’enfer chez les autres. Nous avons hérité d’un pays qui était au même niveau que le Canada, l’Afrique du Sud et la Corée du sud. Aujourd’hui, tout a été détruit. Cette oeuvre destructrice n’est pas le fait de la communauté internationale ou des voisins.
Puisque l’Accord d’Addis-Abeba n’est pas parfait, que trouvez-vous à redire?
J’ai tiqué là il est écrit que d’importants progrès ont été enregistrés en RD-Congo pendant la décennie passée, que les processus de paix national et régional initiés alors ont établis la base d’une paix et une stabilité relative dans les grandes parties du pays, que le gouvernement de la RD-Congo a entamé avec l’appui des partenaires un certain nombre de reformes pour préparer le terrain à la reprise économique et la démocratisation. C’est faux et archifaux. Allons-y secteur par secteur. La reforme de l’armée n’a pas connu d’avancée. Tout comme celle de la justice. Ici et là-bas, c’est juste du tâtonnement. Aujourd’hui, les Rd-Congolais connaissent le taux le plus élevé de mortalité en Afrique, le taux de scolarité est en baisse. Les Congolais mangent par miracle et sont plus pauvres qu’avant. Sur le plan de la gouvernance, nous n’avons connu que des contrats léonins, des propriétés de l’Etat cédées sans respect de la procédure en la matière.
Que lui trouvez-vous de positif?
L’architecture de cet accord permet une exploitation facile. L’accord a adressé à la Rd-Congo des recommandations que je considère comme des injonctions à la RD-Congo, aux pays de la région et à la communauté internationale elle-même. A travers cet accord, il se dégage une sorte de remise en cause du leadership à la tête de l’Etat congolais et de ses institutions. Une sorte de sous tutelle qui ne dit pas son nom. Mais, à qui la faute. Depuis Sun City, rien n’a été fait pour reconstruire l’Etat.
Comment interprétez-vous les recommandations adressées à la RD-Congo?
Nous de l’opposition comme la société civile décrions toujours la déliquescence de l’Etat. Il y a déficit du leadership à la tête de l’Etat. En plus, nous avons dit que les institutions établies n’ont pas la légitimité. Mais, quand la communauté internationale le reprend, je suis étonné de voir que cela énerve le régime de Joseph Kabila. Nous devons nous approprier les principes que la communauté internationale a émis dans cet accord et organiser un dialogue. Voilà qui ressort clairement quand la communauté internationale recommande de promouvoir la réforme des institutions de l’Etat, y compris la réforme des finances et promouvoir les objectifs de la réconciliation nationale, de tolérance et de démocratisation. Nous l’avons toujours demandé, les évêques l’ont demandé, les autres forces de l’opposition l’ont demandé.
Vous êtes d’accord que cet accord va nous sortir du cadre constitutionnel?
Absolument. Puisque le consensus a été rompu, il n’y a pas de cohésion nationale, les institutions n’ont pas de légitimité, vous allez fonctionner comment, sinon diriger comment par défi. C’est pourquoi nous disons la seule voie pour atteindre ses injonctions imposées par la communauté internationale reste le dialogue. Le président Kabila a signé l’accord lui-même. Je suppose qu’il avait instruit son représentant permanent auprès des Nations-Unies de demander à Ban-Ki-Moon une copie du projet de l’accord au préalable pour voir s’il est conforme à notre Constitution aussi pour voir si les préoccupations de la RD-Congo sont reprises dans l’accord. Ce que Kabila n’a pas fait. Quand Kabila, signe l’accord et qu’il y a la dedans la remise en cause des institutions issues des dernières élections y compris la gouvernance en matière des finances, la réconciliation nationale, la démocratie, la tolérance, cela veut dire que le président reconnait que tous cela n’existe pas et qu’il prend l’engagement de le faire. Donc, nous sommes dans l’obligation de l’encourager jusqu’au bout. Ne reproduisons pas l’erreur de l’opposition, au lendemain de la démocratisation, qui a pris la voie de la cristallisation de l’antagonisme avec Mobutu plutôt que de pousser celui-ci à organiser les élections dans le plus bref délai. L’opposition a eu tort de ne pas rassurer les hommes au pouvoir à l’époque.
Donc, vous déduisez que nous allons vers une transition?
Non, nous n’allons pas vers une nouvelle transition. Et on ne va pas rédiger une autre Constitution, l’actuelle Constitution va demeurer. Mais, nous allons avoir un accord politique qui ne va contredire la Constitution mais qui viendra corriger les faiblesses de leadership au sommet de l’Etat. Et qui va évacuer le déficit de légitimité auquel fait face le pays à la suite des dernières élections. L’objectif est de refaire la cohésion nationale. C’est le moment propice pour que les meilleurs de part et d’autre se mettent ensemble pour une vision partagée du Congo, sinon nous allons sombrer et rester dans des querelles qui n’avancent en rien notre pays. L’exemple de Lula est simple. Lula a gagné les élections mais il n’a pas cherché à broyer les autres. Il a dit : «J’ai gagné mais, je veux travailler avec les autres. Bien sûr d’autres vont demeurer dans l’opposition. Et ceux qui vont y demeurer, je vais faire en sorte que la loi qui fixe le statut de l’opposition soit garantie». Il a rassuré ceux qui avaient détourné pour ramener l’argent dans les banques brésiliennes. Au bout de cinq ans, Lula, est devenu bailleur des fonds du FMI. Nous devons éviter la politique de tout pour moi et rien pour les autres. Jusqu’à ce jour, la Constitution n’a toujours pas été mise ne oeuvre quant à la désignation du porte-parole de l’opposition.
Des sources parlent déjà d’un schéma qui consiste à dissoudre le Sénat et les Assemblées provinciales. Le confirmez-vous?
Après des élections bâclées, le régime a quelle autre formule à proposer. Il n’y a que trois possibilités. La première, et nous l’avons-nous même anéantie alors que la diaspora était déjà en marche contre la réélection de Kabila. Moi, même, j’avais reconnu que c’est Etienne Tshisekedi, qui avait gagné les élections et pas Kabila. Tshisekedi a choisi de demander à la population de rester tranquille pour attendre le mot d’ordre. La deuxième stratégie, ça signifie que vous avez une assistance étrangère, la communauté internationale qui vient et qui dit monsieur Kabila vous avez triché, voici le rapport, quitte à imposer le recomptage des voix pour réhabiliter celui qui est réellement élu. En dehors de ces possibilités, comment faire restaurer la cohésion nationale. On fait quoi pour amenuiser la nuisance de ceux qui ont triché.
Vous ne trouvez pas que le dialogue est impossible à considérer les attitudes de Tshisekedi et de Kabila?
C’est là que le dialogue s’impose, quand des points de vue sont autant divergents. Ma position est plus proche de celle de Tshisekedi et est opposée à celle de Kabila. Quand nous allons dialoguer, chacun doit se préparer à perdre quelque chose pour que nous réalisions le consensus qui est attendu dans le seul bénéfice du peuple. Si, nous campons sur nos positions, je crains fort qu’à la fin du dialogue que la crise soit plus aigue. Ils nous appartient de faire un effort dans ce sens là. C’est pour cela que, dans mon point de presse, j’ai lancé un appel à mon grand frère Etienne Tshisekedi. Oui, vous avez gagné mais venez au dialogue parce qu’il y sera aussi question de la vérité des urnes. Joseph Kabila, vous avez gagné, Non, venez quand même, nous n’allons pas transformer le dialogue en un tribunal. Trouvons donc un consensus à l’image d’autres pays comme le Sénégal, le Ghana et autres.
Quelle chance donnez-vous à un dialogue sans Etienne Tshisekedi?
Cela dépend de la dimension qu’on donnera à ce leader d’opinion sur le plan de la forme que dans le fond. Si, on l’invite à ce dialogue comme le commun des mortels, il n’ira pas. Moi-même si on m’invitait comme un commun des mortels, je n’irai pas. Kampala a démontré que vous n’avez pas l’implication des principales forces de l’opposition, c’est l’échec. Tant qu’Etienne Tshisekedi et l’UDPS n’y sont pas, Vital Kamerhe, et l’UNC absents, que Monsengwo, sur qui le régime a jeté l’opprobre, n’a pas donné sa bénédiction et que d’autres forces vives de la nation ne sont pas associées, il est illusoire d’envisager la cohésion nationale.
Comment appréciez-vous la position du gouvernement livrée lors de la conférence conjointe entre le ministre des Affaires étrangères et celui des Médias?
J’apprécie la démarche du gouvernement qui a rejoint l’idée de l’UNC sur le dialogue. Je veux juste dire à Mende que, nous ne sommes pas des demandeurs de Sun-City bis. Ça, je voudrais le rassurer. Ils y a des recommandations de Sun-City, qui sont encore d’actualité. Que Mende me prouve aujourd’hui que les résolutions sur la réforme de l’armée ne sont pas encore d’actualité, sur la commission vérité et réconciliation, les résolutions sur l’éthique, la bonne gouvernance. Nous disons même dans l’accord de Pretoria signé avec le Rwanda, tout n’a pas été appliqué. Le dementellement de l’ex-FAR-Interhamwe, ça n’a pas été fait, le démantèlement des NALU-LRA, ça n’a pas été fait. Donc, nous pensons que nous devons revisiter les anciens accords comme première matière du dialogue. Il y en a quinze au total. Je les connais par coeur pour avoir participé avec Azarias Ruberwa et Olivier Kamitatu à tout le processus qui a conduit à Sun City. Je voudrais lui dire aussi, Lambert Mende, qu’il doit savoir, que ce pouvoir là, le pays n’a pas donné le certificat d’enregistrement à Kabila ni aux gens de la majorité. Ce pays appartient au peuple congolais. Et il doit cesser de continuer avec la diabolisation quand nous de l’opposition nous disons que nous devons nous approprier l’accord que son chef vient de signer. Une déclaration responsable de sa part, c’était de dire, nous saluons l’opposition qui vient de dire qu’il faut s’approprier cet accord. J’ai comme l’impression qu’il est content de ceux qui disent que Kabila est allé signer la balkanisation de la Rd-Congo.
2016, sera-t-elle la date des élections attendues?
2016, sera cette année où les élections doivent s’organiser. La Présidentielle, législative, sénatoriale et provinciale de peur de tomber dans un vide juridique. Quel argument que Kabila et sa famille politique vont-t-ils nous présenter. Kabila et sa famille doivent éviter ce vide constitutionnel en 2016. Vous comprenez que par-là, cela nous renvois toujours au dialogue que nous voulons et cessons de réclamer nuit et jour. Puisque, à travers ce dialogue, ce régime va nous donner des fermes assurances de ce que sera de l’année 2016. Cela, fera aussi partie d’un autre aspect du dialogue. Au Rwanda, Kagame a dit à ses compatriotes qu’il ne sera plus à mesure de modifier la constitution pour se donner un troisième mandat. Denis Sassou, je ne le pense pas aussi.
En êtes-vous avec la mise en commun sur le cahier des charges des forces de l’opposition?
Nous serons prêts dans une semaine mais il y a des préalables. Nous demandons à Kabila des signes de bonne foi. Par exemple, la libération des prisonniers politiques, des journalistes, le cas de Bemba à la Haye, la réouverture des médias fermés. Ma propre chaîne de télévision n’avait été fermée que pour dix jours au départ. Elle l’est encore aujourd’hui. Qu’il enlève le cordon militaire placé chez Tshisekedi, qu’il réhabilite moralement Mgr Monsengwo de toutes les injures de sa famille politique.
H.M. MUKEBAYI NKOSO/YVES BUYA